Culture

Le cimetière oublié de Garches

Publié le 20 Déc 2021

Si le cimetière de Garches tel qu’identifié aujourd’hui est un site incontournable de la ville, il ne l’a pas toujours été.

En plus d’abriter les dépouilles de garchoises et garchois, de nombreuses personnalités y sont également inhumées tels qu’Henri Bergson, Guy Béart, Jacqueline Delubac ou bien Sidney Bechet.

Cependant, saviez-vous que son emplacement actuel est récent et qu’il ne date que de la première moitié du XIXe siècle seulement ?

Ce lieu évident en 2021, avait fait l’objet de bien des résistances le temps d’une époque ! Ci-dessous les détails de l’Histoire du cimetière oublié de Garches.

C’est en 1792 que l’on trouve la première trace, dans la retranscription des séances du conseil municipal, d’une volonté de déplacer le cimetière, jugé insalubre. Les citoyens résument ainsi la situation :

« Considérant que le cimetière se trouve dans le milieu du village, que dans les chaleurs, les exhalaisons sont nuisibles et contraires à la salubrité de l’air, ce cimetière sert de passage à tout le monde et même aux animaux, ce qui est contraire à la décence et au respect dû aux cendres des morts ».

 

À l’époque, la solution est toute trouvée : on pense récupérer un bien national situé sur le chemin conduisant à la Celle, occupé par un vigneron arrivant en fin de bail.
Pour une raison inconnue, le projet n’aboutit pas et il faut attendre près de dix ans pour que la question revienne sur la table. En 1801, sa trop petite taille et son mauvais emplacement viennent s’ajouter à la liste des doléances. Le Conseil se montre alors plus partagé que dix ans plus tôt : beaucoup de citoyens rétorquent que les finances de la ville ne le permettent pas, ou bien que d’autres solutions sont possibles, ou encore « qu’il doit rester où il en est parce qu’il en a toujours été ». Le maire de l’époque estime toutefois la dépense pourra être compensée par le gouvernement, lequel devrait se montrer redevable envers les citoyens qui ont effectué de nombreux travaux dans la commune.
Les fonds attendus n’arrivèrent sûrement pas puisque 30 ans plus tard, en 1832, la situation reste inchangée. Mais le conseil municipal a maintenant une solution concrète, votée par l’assemblée le 13 mai 1832 : faire l’acquisition d’une pièce de terre située dans le lieu-dit du « Bois Barronier », appartenant aux hospices de Paris. Le coût de l’opération doit alors être financée par un impôt extraordinaire.
À l’époque, décider d’une imposition extraordinaire réclamait l’avis des citoyens les plus imposés, qui doivent voter pour ou contre la levée des fonds lors d’une réunion spéciale menée par le maire de Saint-Cloud, le 12 juillet 1832.

Beaucoup s’y opposent en raison de l’éloignement et de la dépense que cela pourrait engendrer, comme l’ancien maire Jean-Baptiste Sevin :

« Le sieur Jean Baptiste Sevin, ancien maire de Garches, s’oppose à la translation du cimetière dans la pièce appartenant aux hospices de Paris par les motifs ci-après, savoir : l’éloignement du terrein projetté par le conseil municipal, et parce qu’il pense qu’on pourrait acquérir un terrein plus rapproché, que la commune est gênée dans ce moment et que l’on pourrait attendre trois ans pour la translation du cimetière et a signé avec nous après lecture. Signé J.B. Sevin et Barret, maire. »

 

D’autres réclament au contraire un changement de toute urgence, tel le vigneron Vincent Totin :

« Le sieur Vincent Tottin, vigneron, déclare que le changement du cimetière est de la plus grande nécessité, qu’il a vu lorsque l’on fouillait pour des fosses des corps non consumés, et les fossoyeurs forcés d’essayer le terrain pour parvenir à creuser les fosses sans troubler aucune dépouille, qu’en outre il est d’avis que le terrain choisi par le conseil Municipal est le seul convenable tant par son éloignement que par la nature de sa terre sablonneuse qui consume très rapidement, et a signé après lecture. Signé : Totin et Barret ».

 

 

Après l’accord des citoyens, la vente n’est pas finalisée avant d’avoir obtenu l’accord du roi Louis-Philippe en personne, lequel sera signé le 16 novembre 1833. La translation est finalement opérée en 1834.
Mais où se trouvait cet ancien cimetière ? L’emplacement exact n’est jamais précisé dans les sources ; on en est donc réduit à des déductions. Plusieurs extraits des délibérations du conseil municipal nous renseignent un peu mieux sur sa situation : « au milieu du village », « serré par les vents ». On peut donc imaginer qu’il se trouvait au croisement de plusieurs routes et à proximité de l’église (au centre du village). Une carte publiée dans un mémoire indique que le cimetière aurait été remplacé par une placette, projet évoqué par le maire dès 1801 : « [le cimetière] sera bien agréablement remplacé pour une place publique plantée d’arbres ».

La placette en question serait située, d’après les auteurs, en face de l’église, au croisement entre la Grande Rue et la rue de Suresnes.
Selon toutes vraisemblances, l’ancien cimetière de Garches est donc devenu la place des Tilleuls, puis la place Charles Devos.

 

Pour en savoir plus

• Annexe 1

 

Cet article a été rédigé par le service Archive de la ville

[1] Garches ou un village sans agriculture, MARC Danièle et SCORDEL Jean-Marie, 1979-1980.