Lucie Aubrac


Née le 29 juin 1912, Lucie Bernard a 17 ans lorsqu’elle réussit le concours d’entrée à l’École normale d’institutrices du boulevard des Batignolles à Paris. Déjà d’un caractère bien trempé, elle refuse l’uniforme de l’internat et décide de s’installer à Paris où elle vit de petits boulots.

Très vite elle prend conscience de la montée des fascismes en Europe et rapidement elle adhère aux Jeunesses communistes. En 1936, elle se rend à Berlin à l’occasion des Jeux olympiques et découvre la réalité du nazisme.

Tout en militant activement, elle entreprend alors des études d’histoire et, en 1938, elle est reçue à l’agrégation d’histoire géographie.

Lorsque la guerre éclate, elle est en poste à Strasbourg où elle fait la rencontre de Raymond Samuel, ingénieur des Ponts et Chaussées, mobilisé comme officier du génie. Ils se marient le 14 décembre 1939.

Fin juin 1940, Raymond est fait prisonnier par l’armée allemande. Alors qu’il est détenu à Sarrebourg, Lucie parvient à le faire évader, fin août 1940, profitant de la confusion générale.

À l’automne 1940, l’université de Strasbourg est repliée à Clermont-Ferrand où Lucie doit se présenter pour avoir une affectation. Dans cette ville, elle forme avec Jean Cavaillès, Emmanuel d’Astier de la Vigerie et Georges Zérapha un premier noyau de Résistance, la « dernière colonne » préfiguration du mouvement Libération-Sud.

À partir de 1941, le couple Aubrac s’installe à Lyon. Raymond exerce son métier d’ingénieur tandis que Lucie est nommée professeur au lycée de jeunes filles Edgar Quinet.

Militante et membre du cercle des dirigeants de Libération-sud, elle s’adonne alors, entre ses cours, à de multiples activités clandestines : en juillet 1941, elle contribue à la parution du premier numéro du journal Libération, elle fabrique des faux papiers et aide des résistants à franchir la ligne de démarcation. En mai de la même année, elle donne naissance à son premier enfant Jean-Pierre.

Le 15 mars 1943, son mari, adjoint au général Delestraint, chef de l’Armée secrète est arrêté à Lyon par la police de Vichy et incarcéré à la prison Saint-Paul. Avec un aplomb incroyable, Lucie Aubrac fait pression sur le procureur de la République et parvient à le faire libérer.

Étant devenue une spécialiste des évasions, elle organise peu de temps après, l’enlèvement par des faux Gestapistes, de trois résistants détenus à l’Hôpital de l’Antiquaille (dont Serge Ravanel) puis de quatre détenus à l’hôpital de Saint-Étienne.

Le 21 juin 1943, c’est l’arrestation à Caluire de Jean Moulin et de plusieurs responsables de la Résistance, dont Raymond Aubrac. Incarcérés au fort Montluc, ils sont interrogés sous la torture par Klaus Barbie dans les bâtiments de l’École de santé militaire, devenue siège de la Gestapo lyonnaise. Lucie, enceinte, monte un coup de main audacieux. Le 21 octobre 1943, en plein jour, les armes à la main, à la tête d’un groupe franc des MUR pour qui elle est « Catherine », elle mène l’attaque de la camionnette de la Gestapo dans laquelle sont transférés Raymond Aubrac et une dizaine d’autres résistants.(1)

Désormais identifié et recherché par toutes les polices allemandes et vichystes, le couple erre de cachette en cachette dans l’attente d’un avion qui les emporte finalement à Londres avec leur petit garçon le 8 février 1944. Quatre jours plus tard, elle accouche d’une fille qu’elle prénomme Catherine.

En juillet 1944, elle participe à la mise en place des Comités de libération dans les zones libérées puis rejoint son mari commissaire régional de la République à Marseille. En janvier 1945, Raymond Aubrac doit quitter son poste et s’installe à Paris avec Lucie qui siège désormais à l’Assemblée consultative.

Puis, Lucie Aubrac reprend son métier d’enseignante sans pour autant mettre un terme à son action militante. La décolonisation, l’évolution de la condition féminine, les problèmes de société sont des combats qui la mobilisent à la Ligue des Droits de l’Homme.

À la retraite Lucie Aubrac, infatigable, s’emploie, notamment par d’innombrables conférences dans les établissements scolaires à travers toute la France, à communiquer aux nouvelles générations le sens des valeurs de solidarité, de fraternité et de justice qui firent la grandeur du combat de la Résistance.

Lucie Aubrac qui était vice-présidente d’honneur de la Fondation de la Résistance, s’est éteinte le mercredi 14 mars 2007. Les honneurs militaires lui ont été rendus dans la cour d’honneur de l’Hôtel national des Invalides. Devant Raymond Aubrac, ses trois enfants, ses dix-huit petits enfants, des membres du gouvernement, de nombreux résistants et la foule nombreuse de ses amis, le président de la République Jacques Chirac a prononcé son éloge funèbre.

« Lucie Aubrac, nous n’oublierons pas votre message » a dit le chef de l’Etat rappelant que « la cohésion nationale est un combat de tous les jours » et que nous devions « garder vivante dans nos cœurs la flamme des luttes de la République pour la Liberté ».

©Fondation Résistance